On quitte la factice Las Vegas avec un GPS qui a repris heureusement du service, direction le Grand Canyon.
On traverse alors des paysages arides et grandioses mais assez vite, on prend conscience de ce que veut dire le mot désert (ici c’est le désert de Mojave). A coté de ces paysages, notre garrigue provençale passerait presque pour une forêt tropicale, c’est dire!
Même les corbeaux volent sur le dos pour ne pas voir la misère.
D’ailleurs, en parlant de corbeau, dans les lucky luke, ils n’exagéraient pas! Ils sont énormes, et vraiment oiseaux de mauvaise augure.
On croise la mythique route 66, qu’on emprunte sur quelques miles (oui parce qu’ici c’est les miles et non les km).
( C’est peut-être un rien touristique, mais bon…)
Sur le chemin, on se prend une rincée et une chute de température de 101 Fahrenheit à 66 Fahrenheit (oui parce qu’ici c’est les degrés Fahrenheit et non les degrés Celsius – ce qui fait qu’on est passé de 38 à 18 en même pas une heure !!!)
Puis on croise des végétations désertiques (mais au moins il y en a une, ici !)
Puis finalement une belle forêt de pins lorsqu’on se rapproche du Grand Canyon.
De Vegas au Grand Canyon, on ne fait que monter, on arrive à 6500 pieds d’altitude (parce qu’ici c’est les pieds pas les mètres soit 2000 m).
Arrivés la-haut, notre voiture s’immobilise devant environ 150 paires de chaussures traversant la voie. Mais 150 paires de chaussures en un seul morceau avec une tête et 4 pattes. En fait c’est un daim sauvage qui traverse tranquillou la route!
Visiblement, il se préoccupe de nous comme de son dernier sabot. Pour ceux qui ne savent pas à quoi ressemble un daim, c’est un grosse biche à la peau brune mouchetée de points beiges. Mais la bonne grosse biche de campagne ! Plus taille cerf que biche d’ailleurs.
Alors, on arrive enfin au terme de notre périple sur ce plateau d’altitude. On sort de la voiture. J’avoue que j’ai du mal à croire que le Grand Canyon est là, tout prêt parce que je vois rien que des arbres. Et soudainement, derrière un arbre, le sol disparait pour ne laisser plus qu’un gouffre béant, une faille énorme qui immédiatement nous happe, nous emporte loin… très loin.
Le choc est immédiat, extrêmement intense, presque brutal.
A ce moment-là, je n’ai plus de mot, plus de voix pour exprimer quoique ce soit.
Suis-je encore vraiment là?
Mon regard essaie de capter les moindres anfractuosités, les multiples dégradées d’ocre et se perd dans le lointain. J’ai la sensation grisante d’être comme un oiseau qui survole un paysage grandiose.
La première image qui me vient est celle d’un Titan qui aurait écartelé l’écorce de la terre en tirant dessus.
Le silence léger ajoute encore quelque chose de solennel à ce moment.
A cet endroit, n’importe quel humanoïde célébré rêverait d’être un oiseau pour pouvoir survoler cette immensité.
Le soir, après un bon vin californien, je me couche les yeux remplis de ce paysage bouleversant dont l’image restera gravée dans ma mémoire, à vie. Et une envie pétillante de découvrir cet endroit hors normes.
Et d’ailleurs, le lendemain, levés à 5h du mat’. (non! Vous ne rêvez pas!)
Direction plateau point – randonnée d’environ 8/9 heures.
On emprunte un petit chemin muletier, pour descendre en bas du Grand Canyon. Enfin, quand je dis en bas, ce n’est pas dans le lit du Colorado (quasiment impossible en une journée) mais à mi-chemin.
Le Grand Canyon porte en fait très mal son nom.
Il faut davantage imaginer une bonne centaine d’énormes canyons totalement irréguliers qui convergent tous vers le lit du fleuve Colorado.
Avec autant de cirques, falaises (d’environ 300 m), failles et autres rochers improbables.
Les chiffres sont vertigineux : 450 km de long, entre 13 à 30 km de large et presque 2000 m de profondeur !
Et tout au fond, se dérobant à notre regard, coule un fleuve, auteur insoupçonné de ces méfaits.
Arrivés à notre destination, on voit enfin ce fleuve en bas qui semble bien frêle par rapport à ces murailles de pierre qui l’entourent. Et pourtant, en 6 millions d’années, tranquillement le Colorado à éroder ces roches sédimentaires (aidé sans doute par le froid et la pluie).
Mais dans ce décor minéral, on se sent ridiculement petit. Pas insignifiant, mais inexistant.
Gros sentiment d’humilité qui nous laisse encore plus admiratifs de la beauté de notre monde et qui renforce, s’il fallait, la conviction intime de la nécessité absolue de le protéger.
Et là, on se tourne, et on voit se qu’on a bien descendu, et qu’on va logiquement devoir remonter.
C’est le moment qu’Olivier choisit pour me dire « un peu de montée ne nous fera pas de mal». Lorsqu’on doit enquiller plus de 900 m de montée sous 40°C, le “un peu » est de trop, me semble-t-il.
Oui 918 m de dénivelé !!! Ça calme, hein ?!
En remontant, le ciel se couvre. De blanc les nuages passent à un gris bien inquiétant. On entend le ciel grondé. Et d’un seul coup le ciel se déchire : l’orage se déchaîne !
D’un paysage mirifique, on passe à un spectacle d’apocalypse. Éclairs, tonnerres, pluies torrentielles ! Randonnée ambiance fin du monde !
Bon, d’accord, j’en rajoute un peu, mais à peine !
De 0 à 10, le trouillomètre monte plus vers 10 que vers 0!
Vraiment on est peu de choses…
N’ayant pas servis de casse-dalle aux requins en Australie, je me dis que je vais peut-être alimenter les condors de Californie (endémique de la région) en version très cuit, même calciné !
D’ailleurs les multiples cadavres d’arbres ne nous rassurent nullement.
Mais non, nous sommes bien remontés, dare dare, essoufflés et heureux !
A tous points de vues, cette randonnée était époustouflante !
On reprend un peu de hauteur pour encore contempler cette merveille absolue de Dame Nature.
Je quitte le Grand Canyon avec ce sentiment d’avoir vu un des plus beaux endroits du Monde et pour moi, un des très grands (si ce n’est le plus grand) moments de ma vie de terrien voyageur.
Je finis cet article des années après, je peux confirmer que cette visite m’a définitivement marqué, et j’en parle volontiers comme l’endroit le plus époustouflant que j’ai vu à ce jour.